Témoignage

Files d’attente à la Préfecture de Versailles : ça continue... par Anne, Laurent et Catherine, RESF et Cercle de Silence de Versailles

par Webmestre de RESF78

Arrivée à 6h15, je trouve déjà une liste de 58 personnes qui attendent et l’ordre des arrivées est tenu par un jeune maghrébin bruyant mais efficace ; le premier de la file me dit être là depuis la veille 21h ; il est suivi médicalement pour des soins psychiatriques et il a besoin de les continuer ici ; les autres disent être arrivés en voiture dans la nuit, la plupart ont pris les premiers transports en commun ; l’attente est calme, 2 femmes sont parmi les premiers arrivants, l’une pour son mari malade qui doit la rejoindre avant l’ouverture de la porte, l’autre se désespérant de ne pas recevoir de réponse pour sa carte d’un an : son récépissé est renouvelé à chaque fois ; elle est dans la semaine d’expiration du récépissé précédent, comme le demande la préfecture maintenant, sous peine de renvoi. Il y a une majorité d’hommes, peu de très jeunes.

Laurent et Anne me rejoignent, la file grandit de plus en plus, et à 8h, elle dépasse largement le coin et on compte autour de 120 personne .Nous discutons avec un haïtien, père de 2 jeunes enfants dont l’ainée est en grande maternelle et nous lui donnons le n° d’urgence du RESF, afin qu’il puisse argumenter davantage son dossier sur ce point en mobilisant, s’il le souhaite, maitresse, directrice et parents et en participant à la vie de l’école (accompagnement sorties…)

Nous parlons aussi à une jeune Chinoise en train de lire le dernier numéro du « journal 20 minutes » du matin même ouvert à la page « des étrangers mal acceptés » ! elle est en France pour perfectionner sa compréhension du français : elle maitrise bien l’écrit, la grammaire mais comprend moins à l’oral ; elle est arrivée à 7h30 pour renouveler son visa mais doit attendre comme tous les autres « étrangers » dans la file de droite ; un retraité algérien, assis par terre sur un journal, las, fatigué, se plaint doucement de son sort : parti en Algérie à sa retraite puis revenu en France depuis 7 ans, il a du mal à toucher sa maigre retraite.

Vers 8h30, Laurent est obligé de partir travailler ; des « accompagnants » arrivent (Daniel, Thérèse, une dame de Dom’Asile) pour rejoindre des demandeurs de titre de séjour qui sont dans la file depuis 1ou 2h ; ensemble, nous tirons la conclusion de nos observations respectives : il n’y a pas de jeunes Tunisiens dans la file à Versailles ; et pourquoi y seraient-ils, puisqu’ils sont mis en garde à vue et renvoyés en Tunisie ou en Italie ? Lire le remarquable CR de Florence « les jeunes tunisiens arrêtés à Paris entre le 29 avril et le 6 mai »

A 8h35 , les vigiles viennent placer les 2 barrières en chicane devant la préfecture ; après quelques flottements, la file des permis-cartes grises entre ainsi que ceux qui ont des convocations (contrôlées une par une ), entrent aussi quelques personnes dont le statut reste inconnu (recommandées par une ambassade ?) ; ensuite, la file de droite entre par à-coups, 3 files se reforment à l’intérieur, devant les 3 guichets d’accueil ouverts ; certains doivent repasser un peu plus tard dans la journée (heure inscrite sur le ticket) ; à 9h, il n’y a plus personne sur le trottoir mais à 9h10, un vigile annonce qu’il n’y a plus de tickets ; beaucoup restent, espérant que leur cas sera peut-être pris en considération

Guichets étrangers : il n’y en a que 7 d’ouverts à 9h, moins que d’habitude.

Discussions avec les vigiles : comme toujours, nous saluons les vigiles, et quand le calme revient, il est toujours intéressant de bavarder avec eux : il y aurait environ 50 tickets pris en compte chaque jour (il n’y a que 2 ou 3 cartes de travail accordées chaque jour, d’où l’intérêt d’arriver dans les premiers, donc très tôt ) ; aujourd’hui, la tension est moins forte mais pendant les vacances de Pâques, il y a eu appel à la police : le personnel fonctionnait en nombre réduit pour cause de congés, et les gens se sont plusieurs fois rebellés. Le chargement des dossiers est toujours impossible sur internet et le « délestage » sur les sous préfectures n’est pas assez utilisé : il permettrait pourtant aux demandeurs d’aller plus près de chez eux et de ne pas attendre ; l’un des vigiles nous explique les efforts qu’il fait pour rester calme et encourager les gens à le rester, quitte à expliquer les règles - il sait de quoi il parle car il se retrouve pour lui-même dans les files du 92…

Anne, Laurent et Catherine, RESF et Cercle de Silence de Versailles