Lundi 20 juin 2016 : un lundi noir à la préfecture de Versailles (78)

par Webmestre de RESF78

La France était en deuil le vendredi 17 juin 2016 et rendait hommage aux 2 policiers assassinés à Magnanville dans le 78. Une cérémonie a eu lieu à Versailles, avec la présence du chef de l’Etat, avenue de Paris devant la grille d’honneur de la préfecture, qui a fermé sa porte exceptionnellement toute la journée.

Le vendredi est une journée chargée à la préfecture, spécialement en cette période de départ en vacances ; les "étrangers" viennent nombreux y faire renouveler leur récépissé avant de partir au pays ; ne pouvant accéder à la préfecture vendredi, ils sont évidemment revenus le lundi suivant, le 20 juin.

A leur présence, s’ajoute un phénomène bien connu à Versailles : tous les lundis matins, des personnes ayant demandé et reçu "le droit d’asile" passent la nuit dehors sur le trottoir de la préfecture, persuadés qu’il faut être dans les premiers de la file pour obtenir un "ticket", - certes ils sont contingentés -, d’accès au guichet pour renouveler leur récépissé "Asile".

Ainsi, quand nous arrivons à 7h ce lundi 20 juin, comptons-nous déjà 75 personnes dans la file d’attente.

Car, comme tous les lundis depuis le 4 avril, des volontaires sont là pour offrir "un petit déjeuner royal" à ceux qui ont passé la nuit dehors. Boissons chaudes et "viennoiseries" sont accueillis avec plaisir... par ceux qui ne font pas le ramadan. Les 10 premiers sont des tibétains, organisés, solidaires, bien équipés pour une nuit fraîche et pluvieuse (duvets, couvertures et parapluies) ; les suivent des sahraouis, 2 hommes et 3 femmes qui bavardent joyeusement ; ensuite un mauritanien puis d’autres, africains, pakistanais, bengalis, plutôt des hommes mais des femmes aussi, enveloppées de longs vêtements colorés et de couvertures.

A l’ouverture de la porte (8h45), la file est interminable ; elle atteint les 2 coins consécutifs de la préfecture ; nous comptons près de 200 personnes : de mémoire de militants (2010), nous n’avons jamais vu ça !

A l’entrée, vérification par les vigiles des convocations (file de gauche) et des sacs (Vigipirate) ; ensuite, c’est à la file de droite d’entrer ; grosse bousculade car un resquilleur essaie de se placer devant tout le monde ; il est vite rejeté mais un autre essaie de s’introduire plus loin dans la file : des cris , des coups, 3 grands policiers descendus de leur voiture (toujours présents à l’ouverture de la porte ) rétablissent l’ordre avec des paroles apaisantes : il faut reconnaitre que leur stature est assez dissuasive...!

Dans la préfecture, un monde fou ; à l’accueil, 3 personnes, puis 2, essaient de canaliser chacun vers le guichet correspondant à sa demande ; pas simple, quand l’effectif d’accueil est ... un nouveau , un "gilet rouge" (sans gilet) et une dame, "coordinatrice", expérimentée et pleine de bon sens, qui conseille ses 2 collègues tout en répondant à la file de demandeurs qui lui fait face.

Tout le personnel du "service des étrangers" est "sur le pont", même "la hiérarchie" est dans le hall ; tous les "guichets étrangers" sont ouverts et toutes les places assises occupées.

Difficile de résumer les rencontres faites, les discussions (ainsi avec une Demandeuse d’Asile tibétaine dont le prénom, à rectifier, n’est pas le même sur ses différents papiers), les échanges avec des connaissances ou avec des inconnus : tous ont une histoire à raconter, complexe, parfois douloureuse, souvent pleine d’angoisse et d’espoir... ; des sourires et des gestes suppléent quand la langue dresse un mur.

Beaucoup veulent repartir au pays pour les vacances mais ce n’est possible que si on a renouvelé son récépissé car il faut s’absenter avant la prochaine échéance ; puisqu’il n’y a plus de disponibilités aujourd’hui, il faudra revenir demain mardi ; et si on revient mercredi, il faudra revenir ...jeudi car il n’y a pas de renouvellement de récépissé le mercredi !

En partant à 11h, je constate que la file est contenue dehors et les vigiles disent qu’elle pourra entrer : on attend juste que des sièges se libèrent ! Les personnes arrivées à 8h30 n’étaient pas encore passées à 12h30. Des altercations violentes ont eu lieu dans le hall vers midi : la "coordinatrice" de l’Accueil demandera au micro que cesse le bruit des querelles car "ils ne pouvaient plus travailler" !

J’apprendrai le soir qu’à 14h45, la police avait été appelée et que la porte a été fermée : n’entraient plus que ceux qui avaient rendez-vous pour donner leurs empreintes ou pour la remise de leur carte de séjour ; comme le matin, des "chefs" participaient au travail dans le hall.
La préfecture restera ouverte mercredi prochain exceptionnellement toute la journée, pour essayer d’écluser le retard.

Nous avons estimé que 350 à 400 personnes étaient passées par la préfecture ce lundi 20 juin !

Que se passera-t-il cet été, avec un effectif de guichetiers moindre et de nombreuses personnes qui doivent revenir tous les 3 mois renouveler leur récépissé ? certains attendent depuis si longtemps leur titre de séjour d’un an...

Catherine Domergue RESF 78 et Cercle de Silence de Versailles