Témoignage

File d’attente à la préfecture de Versailles : à quelle heure ouvrira la porte en ce début d’année 2011 ? par Catherine

par Webmestre de RESF78

En décembre, lors de notre dernière mobilisation à la préfecture (semaine du 13 au 17/12/2010, avec tractage de l’appel du cercle de silence), nous avions eu la bonne surprise de constater que la porte de la préfecture était ouverte à 6h-6h15, pour permettre à la file d’entrer se réchauffer avant l’ouverture effective des guichets à 8h45.

Comme la réunion inter-associations « Ensemble pour un meilleur accueil des étrangers à la préfecture » était prévue le mardi 11 janvier 2011, il me fallait savoir quelle était la situation réelle en ce début janvier

LUNDI 10 JANVIER 2011

Arrivée à 5h45, j’ai trouvé déjà une petite soixantaine de personnes attendant l’ouverture de la porte ; certaines (3) dormaient assises recroquevillées sur des cartons et enveloppées de châles et de couvertures, coincées entre le mur et la rambarde ; interrogées, les premières de la file m’ont dit être là depuis 20h et/ou 22h, la veille en tout cas ; j’ai tout de suite demandé s’ils avaient vu passer les maraudes de la Croix-Rouge ou d’autres actions sociales : tous très étonnés m’ont dit n’avoir jamais vu personne de ce genre (ils connaissaient pourtant « les maraudes ») ; par contre, la police, elle, est passée cette nuit pour déchirer la fameuse liste établie toutes les nuits dès les premiers arrivants

6h-6h15 : rien ne bouge dans la préfecture : la porte, malgré le froid (5°) reste fermée

Pour passer le temps, des discussions s’engagent ; je vais de préférence vers les femmes, sachant que, vu les conditions de l’attente, c’est encore plus dur pour elles. 2 jeunes maliens et 1 jeune malienne, en assez bonne position (7ème-10ème places, donc là depuis longtemps), sympathiques et très respectueux, discutent volontiers ; je les vois vers 8h, céder leurs places à …leurs parents : l’une, qui dormait à mon arrivés, très bien mise, escalade la rambarde pour faire place à sa mère et part travailler sans se retourner, ses écouteurs dans les oreilles, l’autre jeune homme, accompagné de son jeune cousin (15-16 ans), laisse la places à ses parents ; et la conversation continue comme si de rien n’était ! A côté d’eux, une jeune fille mineure qui est là depuis 3h du matin attend son « éducatrice » versaillaise, Brigitte, qui arrivera vers 7h et proposera à la cantonade du thé, petite goutte pour tant de gens.

La porte ne s’ouvre toujours pas. En attendant, discussion avec 2 jeunes algériens des troubles en Algérie, puis avec un ivoirien du nord, des événements en Côte d’Ivoire : l’ex-président Gbagbo qui ne veut pas partir. Le début de la file est surtout tenu par des hommes jeunes, certains ont déjà pas mal « galéré » ; l’un d’eux a été en Libye et ses terribles camps de rétention pour ceux qui n’ont pu prendre le départ par la mer vers l’Italie.

A 8h, un groupe de très jeunes filles, chaperonnées par un monsieur, aborde la file pour proposer du café, du thé et du pain frais de chez Bigot ! Au début, méfiance devant tant de spontanéité et de gentillesse ; je les aborde très vite et discute avec le père de famille : c’est l’aumônerie de St Jean Hulst qui trouve enfin de quoi employer ses thermos de thé et de café ; en fait, elles étaient déjà passées à la préfecture en décembre et n’avaient vu personne : la file était déjà à l’intérieur de la préfecture à la période des grands froids, quand la porte ouvrait à 6h !

Mais surtout, j’ai pu échanger avec ces jeunes filles : je me suis présentée comme RESF, une association qui défend les parents expulsables d’enfants scolarisés en France. Etonnement : des parents expulsables ? des enfants en CRA ? des scolaires expulsés ??? A court d’eau chaude, elles courent vite en chercher dans une voiture pour continuer leur distribution ; mais surtout, elles reviennent très vite vers moi pour discuter, pour savoir la fin de l’histoire : et que deviennent les enfants ??? Malgré nos efforts à RESF, l’histoire se termine souvent mal… L’heure des cours approche, il leur faut repartir mais cette rencontre, brève et pleine de gentillesse sans affectation, devrait se renouveler demain : aujourd’hui, lundi, c’était des élèves de 1ère, demain mardi, ce devrait être les terminales ; je donne rapidement mes coordonnées : la responsable de l’aumônerie doit m’envoyer leur compte-rendu.

8h30 : la porte s’ouvre enfin. Les vigiles, après avoir installé les barrières, ouvrent la porte et font entrer beaucoup de monde : environs 150 à 180 personnes ; je m’en vais en constatant que ceux qui arrivent sont très nombreux, que la file d’attente se reconstitue et qu’il fait toujours aussi froid…

Catherine - le 10/01/2011

Mardi 11 janvier 2011

À mon arrivée à 7h sous une pluie battante, une vingtaine de personnes attendent, beaucoup sont réfugiés dans des voitures ou sous les 2 abris-bus voisins ; certains sont restés stoïquement à leur place dans la file et acceptent volontiers les parapluies que je leur propose ; en premières places 3 hommes jeunes, dont un sikh, ils discutent un peu, dans un français hésitant pour l’un ; une dame, d’origine algérienne me raconte dans un français impeccable comment elle est maintenant sans papier après des années passées auprès d’une famille française, elle est venue à pied de La Celle-Saint-Cloud car aucun taxi n’a voulu la prendre à 3h du matin : la course est trop courte jusqu’à la préfecture ; elle aussi vient pour un récépissé de 3 mois ; à coté d’elle, un français d’origine algérienne dans la quarantaine vient pour sa jeune épouse, ils sont mariés depuis 2ans ½ et il n’arrive pas à obtenir pour elle la carte de nationalité française ; nous parlons des troubles en Algérie et au Maroc ; avec des africains, nous parlons de la Côte d’Ivoire et du développement en Afrique.

Nous approchons de 8h ; la pluie a faibli et les gens regagnent leur place dans la file ; une jeune femme dynamique et autoritaire détient la liste établie cette nuit, par ordre d’arrivée ; elle remonte la file, entouré d’hommes jeunes qui se disputent chaque place ; la tension monte, on sent la jeune femme très remontée contre les resquilleurs ; cela dure un bon moment et occupe l’attention de tous ; comme hier, je remarque beaucoup d’hommes jeunes, le bonnet enfoncé jusqu’aux yeux, les poings dans les poches d’un survêtement ; ils sont tous tendus et très déterminés

Quand la porte s’ouvrira à 8h35, les barrières installées, je constate, en tête de la file de gauche (celle des permis de conduire) 2 hommes et une jeune fille : le chef des vigiles, manifestement prévenu, les fait entrer avant tout le monde, surement un passe-droit d’une ambassade, on parle de l’Egypte… comme Anne-Marie avait déjà pu le constater une fois à l’intérieur de la préfecture ; ensuite, une grande fournée entre mais les accompagnants sont refoulés : ils n’entreront que plus tard ; puis entre la file des permis de conduire-carte grise + des RV (convocations sur papier) ; puis à nouveau la file avance très vite mais, en même temps, phénomène qui se renouvelle tous les jours, un grand nombre de personnes arrivent de partout et la file dépasse largement le coin de l’avenue de l’Europe et l’avenue de Paris… Les jeunes de l’aumônerie de St Jean Hulst ne sont pas passés à la préfecture ce matin : dommage !

Catherine - le 11/01/2011